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Zoom sur Cesaria Evora : la diva aux pieds nus

Temps de lecture : 3 minutes 30

Il était une fois une chanteuse qui portait la voix de son pays et qui la faisait raisonner bien au-delà de ses frontières. Cesaria Evora, ambassadrice emblématique du Cap Vert, créatrice de talent de la Morna et reine incontestée de la saudade,  est la figure de cet archipel, petits confettis de l’Atlantique. C’est son histoire que nous vous racontons aujourd’hui ; son destin exceptionnel et son rayonnement international qui a permis de redonner à son pays ses lettres de noblesses et à lui conférer tout simplement une véritable identité…

Cesaria Evora : la voix du peuple

Peinture de Cesaria Evora

« Mon pays et ma musique m’apportent tout. Je suis reconnue dans mon pays et je vis de ma musique. »  Voici une phrase qui résume à elle-seule l’esprit posé de la grande Cesaria Evora. Si elle finira par posséder tout ce dont elle a toujours rêvé (une reconnaissance internationale, une grande maison, une famille heureuse et à l’abri du besoin), son démarrage dans la vie n’a pas été si paisible. Née d’une mère cuisinière pour les riches familles portugaises du Cap Vert et d’un père musicien, Cesaria Evora est issue d’un milieu très modeste.

A la mort de son père, elle a 7 ans. Sa mère l’envoie d’abord vivre chez sa grand-mère puis la place dans un orphelinat sur l’île de Mindelo où elle intègre une chorale ; le premier clin d’œil du destin. C’est véritablement à l’âge de 16 ans que sa passion pour la musique et pour la Morna prend les commandes de sa vie. Elle rencontre Eduardo, son grand amour, qui l’initie à cette forme artistique. Elle chante la souffrance, elle chante l’amour et la tristesse, elle chante les stigmates d’un pays qui a connu la dureté et qui la subit encore. Elle commence alors à écumer les bars, gagnant quelques pièces par-ci par-là contre une Morna ou une Coladeira. Elle reste dans l’anonymat le plus total pendant plusieurs années. Maintes fois découragée, elle entreprit de mettre un terme à sa carrière pendant plus de 10 ans.

Un destin qui prend un virage sur le tard

Cesaria Evora

En 1988, Cesaria Evora a 47 ans. Sa rencontre avec un producteur de musique portugais à Lisbonne va littéralement changer sa vie. Elle enregistre un premier album titré « La diva aux pieds nus » – surnom qui lui restera tout au long de sa carrière – et enchaîne en 1992 avec un deuxième opus : « Miss Perfumado ». C’est véritablement celui-ci qui va la propulser au-devant de la scène musicale internationale et qui va la faire sortir de l’ombre. Le succès est tel qu’il l’emmène aux quatre coins du monde, dans les plus grandes et les plus mythiques salles de concert. Les Etats-Unis, l’Europe, l’Asie,… La voix de Cesaria Evora raisonne dans toutes les villes du monde et, avec elle, la voix des capverdiens trop vite oubliés après l’indépendance accordée par les portugais en 1975.

Avec le succès arrive la richesse. Cesaria Evora peut donc définitivement tourner la page de son passé modeste et se concentrer sur une vie plus facile. Mais, fidèle à son pays et à ses origines, la chanteuse africaine la plus écoutée au monde n’abandonne ni ses valeurs ni sa philosophie de vie. Lors de ses déplacements à l’étranger, elle préfère le vieux restaurant du coin plutôt que les chics bars d’hôtel ; elle n’hésite pas à entamer une conversation avec ses voisins de tablée et accueille volontiers chez elle, dans sa maison du Cap Vert, les voyageurs curieux de rencontrer la diva aux pieds nus.

Après une carrière longue de 22 ans, Cesaria Evora met un terme à son interminable tournée en 2011. Invoquant des problèmes de santé, son entourage l’encourage à ralentir le rythme et à quitter la scène pour de bon. Quelques mois plus tard, en décembre 2011, la chanteuse s’éteint à l’hôpital de Sao Vincente, à l’âge de 70 ans.

La Morna : la musique du Cap Vert

Cesaria Evora en concert

A travers ses chansons, Cesaria Evora racontait le Cap Vert, son histoire, ses douleurs, ses joies, ses paysages. Son passé glorieux du temps des grandes épopées maritimes ainsi que ses années moins belles rythmées d’exils volontaires ou non sont la trame de cette musique qu’elle chantait si bien : la Morna. Inspirée de la douce houle de l’océan, dit-on, la Morna est la marque de fabrique des capverdiens. C’est une musique qui leur appartient et dont ils se sentent fiers. A tel point qu’ils ont proposé, en mars 2018, l’inscription de cette musique si particulière au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le rôle de Cesaria Evora a été considérable dans la diffusion de la Morna à l’international. En chantant dans sa langue maternelle¸ elle abordait des thèmes comme l’amour perdu, la mélancolie, l’exil, … Au lendemain de l’indépendance du Cap Vert, le pays sombre dans une pauvreté qui met à l’épreuve une grande partie de la population. Dans l’espoir de trouver un avenir meilleur, les capverdiens sont nombreux à fuir l’archipel et à laisser derrière eux famille et amis. La Morna est née de cette douleur et de ce déchirement, tout comme le blues est né des esclaves noirs et le fado, des explorateurs qui quittaient leur pays pendant un temps incertain.

Enfin, la Morna s’inscrit dans la saudade, cette philosophie de vie propre au Cap Vert qui peut se définir comme un mélange de tristesse, de nostalgie et d’espoir. Il n’existe pas de traduction littérale en français, la saudade fait partie de ces néologismes dont on peut difficilement expliquer le concept. Cependant, pour les capverdiens, la saudade est un tout, indissociable de l’archipel. Pour Eduardo Lourenço (auteur de « Mythologie de la saudade », 1997), la saudade est une manière « d’être présent dans le passé, ou d’être passé dans le présent ».

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