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Solène a la chance de faire un métier qui l’emmène aux quatre coins du monde. Il y quelques mois, c’est au Groenland qu’elle s’est amarrée ; l’occasion pour elle de découvrir le mode de vie des communautés inuits. Un mode de vie très différent du nôtre mais qui tend, malheureusement, à s’occidentaliser …
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Si vous hésitez sur le menu de ce soir, imaginez-vous au Groenland avec un choix limité : puisi (phoque) ou arfeq (baleine). Là, vous vous réjouissez de votre demi-part de pizza de la veille. Mais détrompez-vous ! La viande de phoque cuite au barbecue est plutôt appétissante. Un phoque au barbecue ? Oui, c’est ce que j’ai pu goûter dans un village de la côte ouest du Groenland, à Kullorsuaq (continuez de mâcher votre pizza pour bien le prononcer !).
Imaginez-vous au delà du 74° nord, bien au delà du cercle polaire arctique, dans un village où quelques maisons colorées abritent 450 habitants. Ici, pas de brochettes de phoque marinées déjà préparées, la victime du dîner jonche sur la plage après avoir été pêchée par les hommes du village. La température de l’air extérieur étant identique à celle de votre frigo, rien à craindre du côté de la chaîne du froid. En attendant le dîner, les enfants du village jouent avec le phoque mort, lui attrapent la patte ou lui font une petite caresse sur le front, comme on le ferait avec une peluche.
Loin de le considérer comme une peluche, Ole, le chef de la communauté, attrape son couteau pour commencer le dépeçage. C’est comme pour le poulet du dimanche, il y a tout un rituel à respecter. Le délice pour un inuit qui est en train de découper un phoque, c’est de croquer à pleines dents le foie encore tiède… Bon, on vous épargne les détails, sinon vous risquez de recracher votre pizza illico presto ! Les enfants s’attroupent autour du phoque et attendent leur sandwich favori : un bout de gras issu de la couche intérieure de la peau, un bout de viande, et encore un autre bout de gras ! A la fin du découpage, le cadeau du dépeceur est unique, ou plutôt double : les yeux du phoque ! Le meilleur, paraît-il, est le cristallin… Comme dans le cochon, tout est bon, et rien n’est laissé de côté.
Si tout cela est peu ragoûtant pour nous, le phoque est l’aliment de base des communautés inuits. C’est grâce à lui et à la faune locale qu’elles ont pu subsister dans des territoires aussi hostiles. Le narval, la baleine, le morse, le bœuf musqué, et bien sûr l’ours ; la chasse de ces animaux a toujours fait partie de leur mode de vie. C’est pour cela qu’elle est toujours autorisée, même si des quotas sont désormais imposés. Pour l’ours comme pour le phoque, tout est utilisé : la viande est consommée par les habitants, les entrailles sont données aux chiens de traîneau, et la peau est récupérée pour fabriquer des vêtements plus chauds et imperméables que le meilleur des Gore-TexÒ. Dans le village, il n’est pas rare de voir une peau d’ours sur les balcons, ou des crânes de bœufs musqués suspendus à la porte d’entrée. Au cou des chasseurs, des colliers de griffes d’ours renferment des histoires qui se transmettent entre générations. Il s’agit souvent d’une épopée de chasse risquée, où l’Inuit a parfois laissé sa vie face à la puissance d’un ours blanc.
Passer une soirée dans ces villages reculés interroge sur leur vie en hiver, quand la nuit domine et la banquise isole le village, jusqu’à 8 mois par an. Approvisionnés au compte goutte et principalement pendant l’été, leur survie tient à la gestion de leurs ressources, et bien évidemment, à la chasse. Bien sûr les moyens de communications impactent leur vie, les produits européens et américains arrivent dans leurs assiettes, et une activité touristique commence même à se développer dans les petites villes. Pléonasme groenlandais quand on sait que la capitale, Nuuk, compte 18 000 habitants. L’occidentalisation modifie rapidement les modes de vie de ces nouveaux « citadins », leur consommation, et a fortiori, leur nourriture. Mais je pense qu’il faudra encore attendre un moment pour que tous les Inuits préfèrent un burger à un bon morceau de puisi.
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