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Emma est partie au Sénégal, à Lompoul, dans le cadre d’un voyage solidaire. En plus de se rendre dans des écoles pour apporter des lots de fournitures scolaires, elle a eu la chance de découvrir la culture sénégalaise grâce aux locaux désireux de partager leur quotidien avec les plus curieux. C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée à faire du maraîchage au beau milieu du désert de Lompoul … loin de se douter de la leçon de vie qu’elle était sur le point d’apprendre.
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Le désert de Lompoul au Sénégal est un désert de sable. Les dunes, immenses et jaunes, entourent le campement dans lequel nous nous sommes établies pour quelques jours. Les tentes mauritaniennes qui nous servent d’abris pour la nuit, forment de toutes petites tâches dans ce décor vierge de végétation … ou presque ! Car à quelques minutes de marche, se trouvent plusieurs parcelles cultivées par certains habitants de la région. Abdou, notre guide de 28 ans, nous a emmené à la rencontre de ces familles qui vivent modestement de cette terre, tout au nord du Sénégal.
16h30 sonne le départ du campement vers les champs du désert de Lompoul. Si les tentes ont été installées bien en face des dunes, la porte grande ouverte sur l’horizon ; les parcelles de culture, elles, sont situées plus à l’intérieur des terres. Nous sommes une petite dizaine à s’être portée volontaires pour accompagner Abdou dans son maraîchage quotidien. En file indienne, nous suivons notre jeune guide qui n’hésite pas à partager ses connaissances florales. « Les arbres que nous voyons autour de nous, ce sont des eucalyptus. Ces plantations là datent de la fin des années 90. On les a plantés pour retenir les dunes de sable qui commençaient doucement à s’affaisser. »
Au détour des derniers arbres, et après 10 minutes de marche sur des chemins sableux, nous arrivons sur un terrain relativement plat sur lequel 5 à 6 parcelles sont cultivées à tour de rôle. « La terre peut être cultivée jusqu’à 3 fois selon les légumes ou les fruits plantés. Après ça, il faut la laisser au repos le plus longtemps possible avant d’en replanter. C’est pour ça que le carré que vous voyez là est à l’abandon. Les propriétaires de ces parcelles alternent souvent les endroits qu’ils cultivent. » Je suis étonnée de la verdure qui nous entoure. Plutôt habituée, ces derniers jours, à contempler du sable, du sable et encore du sable, je suis heureuse de voir un peu de vie par ici. Et malgré le soleil qui chauffe dur, une certaine fraîcheur se dégage des plantations, ce qui n’enlève rien à ce moment de sérénité. « En fait, il suffit de creuser 5 mètres en dessous du sol pour trouver de l’eau. C’est pour ça qu’une telle culture est possible ici. Et la mer n’est qu’à quelques kilomètres du désert de Lompoul. »
Alors qu’Abdou nous explique l’importance de la synergie entre l’élevage, le maraîchage et la pêche au Sénégal, une toute petite fille de 4 ans à peine, traverse la parcelle sur laquelle nous sommes toutes regroupées. Sans un regard vers nous, elle rejoint d’un pas décidé les 3 ou 4 enfants assis sur un imposant réservoir d’eau de l’autre côté du champ. Abdou remarque tout de suite notre air ahuri de voir une si petite sénégalaise arriver toute seule de je-ne-sais-où. Moi – pour qui s’orienter dans un endroit inconnu (ou non) est un vrai casse-tête – je me demande tout de suite comment elle fait pour retrouver son chemin dans cette région si hostile et sans repère. Notre regard se tourne presque toutes en même temps vers ces enfants, au grand damne d’Abdou qui peine alors à recentrer notre attention sur les cultures de tomates amères (qui, soi dit en passant, ont un goût terrible.)
Mais nous ne sommes pas les seules à faire preuve de curiosité. Les enfants nous regardent eux aussi avec de grands yeux. La plus âgée semble avoir 10 ou 11 ans. C’est elle qui commande et aident les plus petits avec leurs seaux d’eau. Le moins farouche est un jeune de 9 ans au short jaune déchiré et aux chaussures bien trop grandes pour lui. Il s’approche, suivit de plus loin par les autres enfants, s’assoit au milieu du groupe, sur l’un des réservoirs d’eau et nous observe. Quelques très jeunes filles (7 ou 8 ans peut-être) s’approchent à leur tour et prononcent les quelques mots en français qu’elles connaissent et que leurs parents leur ont sans doute appris : « Bonjour. », « Comment tu t’appelles ? », « Donne-moi un cadeau ».
« Ces enfants là ne sont pas instruits », nous explique Abdou. « Ils aident leurs parents dès leur plus jeune âge dans les champs. Ils viennent chercher de l’eau dans les puits que vous voyez là-bas et arrosent les plants de tomates, de poivrons ou d’hibiscus. Si leurs parents ne les ont pas envoyés à l’école c’est parce qu’ils n’y ont eux-même pas été et ne comprennent donc pas véritablement l’intérêt pour leurs enfants d’aller apprendre le français ou les mathématiques. C’est ça le plus grand fléau du Sénégal. »
A force de sourires, les enfants finissent par se mélanger à notre groupe mais le contact est difficile tant ils ne comprennent pas le français. Heureusement, Abdou assure la traduction en Wolof, l’un des dialectes principaux du Sénégal. Pour justifier le fait qu’il n’aille pas à l’école, le jeune de 9 ans nous explique que son père a 4 femmes mais qu’il ne connait pas le nombre exact de ses frères et sœurs. « A raison de 4 ou 5 enfants par femme, on peut estimer que le père de famille doit nourrir plus de 20 personnes. Il n’est donc pas très étonnant que ce petit n’aille pas à l’école » commente Abdou. « Ses parents préfèrent certainement qu’il aide aux champs plutôt que d’aller en classe. »
Notre guide nous explique également qu’en plus d’empêcher les enfants d’aller à l’école, le travail dans les champs est très dangereux pour eux. « Regardez autour de vous. Il y a des puits qui sont au ras du sol et qui ne sont pas protégés. Parfois les enfants tombent dedans et meurent. » A la question « Utilisez-vous des pesticides ? » Abdou nous répond qu’ils ont été interdits par le gouvernement justement pour protéger ces enfants qui travaillent dans les champs. « Certains pouvaient être en contact avec des pesticides dangereux et finissaient à l’hôpital à cause de ça. »
Je suis venue au Sénégal pour aider les écoliers du désert de Lompoul. Je me doutais bien que j’allais en croiser quelques uns qui n’ont pas cette chance. Mais voir ces enfants vivre dans l’extrême pauvreté et travailler en plein cagnard dans les champs m’a véritablement bouleversée. Dans des sacs à dos, quelques personnes de notre groupe avaient apporté des bonbons et quelques jouets que nous leur avons laissés. Après 5 jours à distribuer des fournitures scolaires dans les écoles du désert de Lompoul, nous n’avons jamais lu un bonheur aussi grand que dans les yeux de ces enfants.
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Vous souhaitez vous aussi participer à un voyage solidaire au Sénégal dans le désert de Lompoul ? Contactez votre conseiller local afin qu’il vous organise un voyage dont vous reviendrez changés !