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Sal : Au cœur des salines de l’île capverdienne

Temps de lecture : 7 minutes

Si Sal est une île du Cap-Vert connue (au même titre que l’île de Boa Vista) pour ses hordes de touristes, demandeurs de plages de sable blanc et d’une eau cristalline, elle est connue également depuis l’Antiquité pour son exploitation du sel, dont elle tire son nom. Ludovic est parti à la découverte de la face cachée de cette île, celle où tout est encore authentique et où les traditions sont préservées.

Le sel est à Sal ce que le piment est à Cayenne : une évidence. Si aujourd’hui, cette récolte a diminué, le sel n’en est pas une denrée absente pour autant de l’équation économique. Il est vrai qu’aujourd’hui, l’île tire la majorité de ses revenus des voyageurs qui égrènent les complexes hôteliers de la ville de Santa Maria, mais le sel n’est jamais loin… Et il n’est pas question ici des objets souvenirs fabriqués en sel !

Les salines de Pedra Lume

Si l’île de Sal, au travers des sites de Buracona et de Palmeira, propose des excursions prisées des touristes, les salines de Pedra Lume au cœur d’un volcan éteint en sont un incontournable. Mon guide m’arrête à l’entrée des salines. Mais à la différence des autres sites naturels du Cap-Vert, l’entrée du site est payante « nous acceptons les escudos, les euros, les dollars, les chèque-restaurant… » m’explique dans un rire à gorge déployé, l’employé de l’accueil.

Mon ticket en poche, j’entre sur le site en traversant une sorte de tunnel creusé dans la roche. Tout autour du site, de grosses tourelles en bois semblent abandonnées et créent une ambiance étrange de mine fantôme. Je traverse le tunnel en visualisant sur ses parois une multitude de couches de roches de couleurs différentes et découvre, après avoir été un peu ébloui par la luminosité du soleil en sortie de l’édifice, un décor grandiose qui se dévoile au fur et à mesure que je recouvre pleine possession de ma vue.

Île de Sal au Cap Vert

Face à moi s’étendent plusieurs grands bassins d’eau de mer, séparés par des chemins en terre, une sorte de découpe artificielle d’un sol qu’on a souhaité se gorger d’eau. Dans l’un des bassins, je remarque la présence de dizaines de voyageurs qui rient fortement en apercevant certains d’entre eux flotter portés par la forte teneur en sel qui les empêche de couler. Je descends le petit monticule sur lequel je me trouve et dépasse à ma droite une sorte de vieille usine qui a dû, un jour, servir à la récolte du sel. Garés devant le grand cabanon de bois, plusieurs véhicules d’extraction rouillés par le temps, et certainement un peu par le sel, présent dans l’air ambiant.

Paysage de l'île de Sal au Cap Vert

Les couleurs de l’eau tendent par endroit vers le rouge. Un responsable du site me l’explique par la présence de certaines bactéries qui, une fois gorgées de lumière, prennent cette teinte particulière. Le site est grandiose, mais ce n’est certainement pas ici que je ferai la rencontre d’un chercheur de sel, le site ayant été repris par un investisseur italien qui a décidé de faire du tourisme son activité principale.

Mon guide me rejoint.

« – C’est beau, tu ne trouves pas ?
– Oui, c’est magnifique, mais personne ne travaille plus ici ?
– Si, l’usine de traitement du sel continue de tourner lorsque les touristes sont absents. Essentiellement le matin. Mais à cette heure tardive de l’après-midi, les ouvriers sont tous rentrés chez eux.
– Sur l’île, plus personne ne travaille le sel dans des salines plus petites et moins touristiques ?
– Je vais me renseigner… »

Après quelques minutes, le guide revient vers moi.

« – J’ai demandé au responsable ; il m’a indiqué l’emplacement de salines qui appartiennent à des particuliers, qui y récoltent le sel en famille, pour le vendre dans des coopératives, qui le traitent et le vendent ensuite aux supermarchés du pays. Elles se trouvent près de Santa Maria, la ville la plus touristique de l’île. Nous avons encore le temps de nous y rendre. Mais, il ne faut pas traîner car généralement, les ouvriers arrêtent de travailler en fin d’après-midi. »

L'île de Sal au Cap Vert

Les salines de Santa Maria

Alors que nous circulons sur une route goudronnée en direction de Santa-Maria, je perçois bien la platitude de l’île. La route est fraîchement construite et la qualité du bitume sur lequel nous circulons montre à quel point l’île de Sal a intégré le tourisme de masse dans son paysage. Les infrastructures doivent être optimales, surtout sur les grands axes touristiques de l’île.

« – Sal est bien différente des autres îles du pays.
– Oui, Sal s’est développée sur le tourisme, ce qui pose aujourd’hui quelques problèmes en pénurie d’eau et en traitement des déchets qui sont enfouis dans les sols.
– Mais, il n’y a plus d’artisanat sur l’île ?
– De moins en moins, les capverdiens et les immigrés d’Afrique souhaitent travailler au contact des touristes, ça rapporte plus.
– Mais que devient l’économie du sel qui a façonné le travail sur l’île depuis des siècles ?
– Elle se réduit chaque année un peu plus. Avant, l’usine d’extraction et de traitement du sel faisait travailler des dizaines de familles. Aujourd’hui, les salines de Pedra Lume sont surtout utilisées pour les touristes. Quelques travailleurs y extraient encore du sel, mais plus à échelle industrielle. »

En arrivant aux abords de Santa Maria, la ville touristique située dans le sud de l’île, je commence à douter de trouver à ses abords, des salines soi-disant familiales, tant la ville donne l’impression d’une modernité sans faille. La modernité : concept dichotomique à une exploitation artisanale de marais salants. Mais, avant d’entrer dans la ville, nous bifurquons et empruntons une voie de terre qui serpente entre les immeubles des faubourgs populaires de la ville. En quelques instants, nous sommes transportés dans un autre univers. Là où la platitude de l’île prend tout son sens.
Le sol ocre constitué essentiellement de sable laisse la place à des petits monticules de sel disposés çà et là, le long du chemin. Séparés par des sinuosités non naturelles, les bassins tout de blanc vêtu se dévoilent avec pudeur et au cœur de l’un d’entre eux, un homme admiré par son jeune fils s’égosille à frapper le sol à l’aide d’une pioche.

Homme dans le sel à Sal

Je m’approche et le salue. Imperturbable, l’homme continue de frapper le sol qui craquèle à chaque coup donné avec une technique qui n’a jamais évolué depuis des siècles. Sentant quelques difficultés à venir à bout de la couche de sel qu’il essaye de percer, il se dirige vers sa brouette posée à côté du bassin et se saisit d’une pioche à l’extrémité plus pointue. Les coups qu’il redonne dans le bassin sont de plus en plus violents et sous un soleil de plomb, aucune goutte de sueur ne perle de son front. Comme un forcené, il frappe, encore et encore jusqu’à ce que dans un sursaut de force titanesque, le sol craque enfin sous les coups portés. Il peut enfin gratter le sol pour en regrouper le précieux minerai qu’il placera dans sa brouette afin de l’abandonner en monticule séchant au soleil.

Sel qui sèche à Sal au Cap Vert

Deux jours plus tard, il le portera à un grossiste qui le lui achètera pour le vendre aux supermarchés de tout le pays, après l’avoir nettoyé et traité. Et chaque mois, il regardera les maigres 150 euros qu’il récolte à la force de ses bras. Juste assez pour nourrir ses enfants. Trop peu pour pouvoir vivre. Suffisant pour rester digne.

J’en profite pour me promener dans ce décor si particulier qui borde les alentours de la plage de kitesurf la plus courue de l’île. Quelle dualité de deux mondes qui se côtoient et s’ignorent. D’un côté, les kite surfeurs et leurs passions, de l’autre, les forçats du sel. Sur les bords des marais, le sel s’accumule en croute plus ou moins dense ; le soleil en fonction de l’éclairement donne à certains endroits, des teintes sortant tout droit d’une autre planète. Entre le rouge vif et l’orange brillant.

La nature semble utiliser ces sols pour s’adonner à la maîtrise de son art, une peinture tout droit sortie de l’imaginaire, mais au combien difficile à représenter même pour un artiste expérimenté.

Partez vous aussi à découverte de ces locaux qui travaillent encore le sel sur l’île de Sal. Contactez nos conseillers de voyage locaux afin que ceux-ci vous organisent votre voyage au Cap-Vert !

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