Temps de lecture : 5 minutes 30
Iris est partie en voyage en Ethiopie quelques jours avec un but bien précis : rencontrer les locaux et les différentes communautés, comprendre leur mode de vie, créer du lien et échanger avec eux à propos de tout et de rien. Lorsqu’une jeune éthiopienne, lui propose d’assister à la cérémonie du café chez elle, elle n’hésite pas une seconde et saute sur l’occasion d’en apprendre plus sur ce fascinant pays dans un cadre local et authentique !
–
Cela fait déjà quelques jours que nous sillonnons le sud de l’Éthiopie en suivant la rivière de l’Omo. Ce matin, nous nous sommes levées tôt pour rejoindre le marché Key Afer, situé sur la route qui relie la ville de Turmi à celle de Jinka. Haut lieu de rencontre entre toutes les tribus éthiopiennes, ce marché est un joyeux melting-pot où tout s’achète et tout se troque. Sur le trajet déjà, le nez collé à la fenêtre de la voiture, les yeux grands ouverts sur les paysages et les oreilles baignées dans l’Afro Beat local, je vois passer des membres des tribus voisines. La plupart sont tout à fait reconnaissables grâce leurs tenues traditionnelles ou à leurs coiffures particulières, signes distinctifs de leur appartenance à une communauté. Au bord de la route, des femmes Hamars, chargées de sel récolté par les Afars, marchent les unes derrières les autres, suivies de près par des hommes Aris, accompagnés de leur troupeau de chèvres et de zébus.
Bien trop intriguées par ces modes de vie différents et par tous ces gens au regard brillant et au sourire éclatant, nous proposons à Bitu, notre guide local, de prendre une personne sur le chemin pour l’avancer de quelques kilomètres et pour assouvir, par la même occasion, notre soif de rencontres. Après tout, nous sommes 3 dans un imposant 4×4 5 places, le soleil tape fort et le nombre de personnes marchant sur le bord de la route ne cesse de s’accroître. Ni une ni deux, Bitu s’arrête à la hauteur d’une jeune fille. Elle s’appelle Tesefanech, a 23 ans et est institutrice dans une école située à 1h30 à pied de chez elle. Lors des bons jours, elle utilise les transports en communs (lorsqu’ils fonctionnent) ; d’autres fois, elle se voit proposer de monter dans la voiture d’un inconnu pour rentrer plus rapidement chez elle ; mais c’est bien souvent à pied qu’elle doit faire le trajet sous une chaleur écrasante, 2 fois par jour, 5 fois par semaine.
En Ethiopie, Tesefanech nous explique que la journée d’école est divisée en deux parties : les plus grands ont cours le matin et les plus petits, l’après-midi. Ces deux « shift » lui permettent donc de ne travailler qu’une partie de la journée. Si elle aimerait trouver un établissement scolaire plus proche de sa maison, elle aime beaucoup son travail et souhaite malgré tout continuer à l’exercer.
Après 20 minutes de trajet en sa compagnie, nous arrivons devant sa maison qui se trouve être finalement à proximité du marché Key Afer, notre première étape de la journée. Avant de partir, Tesefanech nous invite chez elle pour un café dans les règles de l’art, dès notre visite du marché terminée. C’est donc ravies à la perspective de cet échange privilégié que nous partons à la découverte de Key Afer.
Quelques heures plus tard, le sac-à-dos rempli d’emplettes en tout genre et le nez plein d’odeurs surprenantes, nous prenons la route vers la petite maison verte que Tesefanech nous a montré du doigt un peu plus tôt. A peine sorties de la voiture, elle vient à notre rencontre et nous invite à entrer chez elle. « Chez elle » se résume à une chambrette très sommaire, éclairée par la couleur vive et lumineuse des murs et par la porte ouverte sur un jardin partagé avec la maison d’à côté. Dans un coin de la pièce, un matelas une place est installé. En face, on y trouve de quoi cuisiner rapidement et surtout de quoi préparer la cérémonie du café éthiopien. Car ici, le café, c’est sacré ! Si « vient prendre un café à la maison » signifie en France « Assieds-toi là 5 minutes. Tu veux un déca’ ? Hop ! Fastoche avec la capsule. » ; ici c’est une toute autre affaire.
Tesefanech installe poliment des tabourets en plastique à l’intérieur de sa chambre. Chacun de nous s’installe, tandis que nous la regardons s’affairer avec le feu. Elle sort ensuite, d’un sac en papier, les graines de café encore fraîches et les dispose dans une assiette en cuivre. C’est comme hypnotisés par ses gestes assurés et habitués que nous suivons les différentes étapes de la « cérémonie du café ». Si le mot peut paraître fort pour décrire cette cuisson délicate, c’est pourtant exactement ce qu’il en ressort. En Ethiopie, on ne fait jamais du café pour soi uniquement. La préparation de ce breuvage sacré est longue et demande une technique que tous les éthiopiens ne semblent pas maîtriser. Tesefanech nous explique qu’une sorte de roulement est organisé avec ses proches voisins ; lorsque ce ne sont pas eux, c’est elle qui prépare le café pour tout le monde. Mais c’est sans compter sur la solidarité évidente du voisinage et c’est donc tout naturellement qu’un jeune homme vient l’aider à moudre les grains de café qu’elle s’est appliquée à faire griller.
Quelques minutes plus tard, le café est fin prêt ! Il s’accompagne d’un morceau de pain blanc qu’elle a confectionné elle-même. Tesefanech verse doucement, dans de petites tasses, le café tout chaud et nous tend machinalement le petit pot de sucre. Si d’aventure vous n’en prenez pas avec votre café, vous verrez à la fois de l’amusement et du respect dans les yeux des Ethiopiens qui en mettent habituellement 1 ou 2 cuillerées. En Ethiopie, la tradition veut que l’on boive 3 tasses de café à la suite. Si la première est très forte, les deux autres sont plus douces car la teneur en café diminue, dilué dans l’eau bouillante.
Nous avons finalement passé 2 heures en sa compagnie. 2 heures lors desquelles nous avons eu l’occasion d’échanger sur son quotidien, sur son appartenance à la communauté Banna et sur son métier de professeure de Sciences Civiques dans une école éthiopienne. Nous reprenons la route vers Jinka en début d’après-midi avec la sensation d’avoir vécu un moment unique et authentique.
Tesefanech nous a ouvert les portes de sa maison spontanément avec pour seule motivation le partage d’un bout de sa culture et de son pays. Cela reste l’un de mes plus beaux souvenirs en Ethiopie, de ceux qui marquent pour toute une vie !